cadrage & recadrage

Extraits du livre de Jean-Christophe Béchet (photographe)et Pauline Kasprzak (professeur de philosophie),
"Petite philosophie pratique de la prise de vue photographique" (Créaphis éditions - 10€)

Cadrage ou Composition ? On peut faire des distinctions plus ou moins savantes. Pour ma part, j'en fais une, relativement simple... dans un cas, on retranche, dans l'autre, on ajoute.

Il y a cadrage à partir du moment où l'on décide de ce que l'on garde et de ce qu'on ne garde pas parmi un réel qui préexiste.

Cadrer, c'est finalement se concentrer sur les bords qui délimitent un dedans et un dehors. En un sens, c'est un acte essentiel en photographie : choisir et éliminer.

On pourrait parler des académismes qui ont longtemps dominé l'univers photographique, notamment autour des clubs photo et des revues spécialisées. Je crois qu'il faut se méfier de toutes les règles établies de composition. On apprend en faisant des erreurs sur le terrain.

On parle aussi de "décadrages" à propos de ces cadrages qui surprennent parce qu'ils vont à l'encontre des normes de la représentation. Le cadrage dépend beaucoup de ce que le photographe veut dire...

Depuis un siècle, on a inculqué aux amateurs l'idée que les professionnels étaient "meilleurs" qu'eux. Qu'ils cadraient mieux, plus vite... par conséquent, on a expliqué aux amateurs des règles professionnelles alors que l'amateur est dans une pratique complétement libre.

Il y a un précadrage quand on vise sans déclencher, puis un cadrage effectif que l'on fige en ouvrant l'obturateur -c'est le prélèvement du réel-, et à la fin le recadrage éventuel, qu'on pourrait appeler le "peaufinage", la finalisation du travail. On parle maintenant de "post-production".
Pour éviter tout débat stérile, je dirais que la question de la pertinence du recadrage éventuel (et du post-traitement) ne se pose plus : cette étape est obligatoire en numérique et elle fait partie du travail "normal" du photographe. C'était d'ailleurs déjà le cas avant en photo noir et blanc où le négatif était toujours réinterprété. Qu'ensuite certains refusent tout recadrage, c'est leur choix. Mais c'est aussi par paresse, par incapacité à savoir optimiser son image... ou tout simplement parce que seule la prise de vue intéresse ces photographes...

On passera 50% de son temps à réfléchir à ce que l'on va photographier, 10% à être sur le terrain à déclencher et 40% ensuite à s'occuper de ses images...

Finalement, que le photographe mette trois secondes ou trois heures pour cadrer sa photo comme il le souhaite, peu importe ; l'essentiel pour lui est de s'exprimer par sa photo et d'aboutir à un résultat qui satisfasse ses attentes.

Voici quelques phrases extraites des deux premiers chapitres de ce petit livre que je ne peux que vous conseiller.
L'industrie photographique n'a cessé de se développer en lien avec l'essor de la "civilisation de l'image". Le geste de "prendre des photos" est devenu une pratique courante et banale, en apparence d'une grande simplicité. Pourtant l'acte photographique est plus complexe qu'il n'y paraît. En tant qu'usage social, il se situe entre technique et art, consommation et création, normes et marges.
Le photographe Jean-Christophe Béchet et Pauline Kasprzak, en philosophe, interrogent la prise de vue sous la forme d'un dialogue, confrontant "théorie" et "pratique".